Dornröschen

Conte référent

Dès 1916, dans un article paru dans le Sonntagsblatt des Bunds à Berne, Robert Walser évoque son intérêt, voire sa fascination de jeunesse pour le conte Dornröschen, qu’il reconnaît d’ailleurs, et ce à plusieurs reprises, avoir cherché à traiter sur un mode versifié. Dans ce texte de 1916, qui se poursuit par une paraphrase du conte, certains thèmes annoncent déjà des éléments qui seront repris et développés dans le dramolet de 1920, notamment le désir de possession du prince à l’égard de la jeune fille dont il est le sauveur, l’échec de nombreux preux chevaliers et princes dans leur tentative pour atteindre la tour de la belle endormie, ainsi que l’évidence de l’issue proposée par le conte et que Walser semble considérer avec une certaine distance, voire de l’ironie, même s’il la valide encore

Comme dans le Schneewittchen paru en 1919, Robert Walser a opté pour la transmodalisation du Kinder- und Hausmärchen 050, lequel devient sous sa plume un « dramolet » d’une dizaine de pages. L’action se situe à la fin du conte, une fois la princesse réveillée et délivrée du sortilège infligé par la fée courroucée. Tandis que le conte des frères Grimm s’achève, sans surprise, par un mariage heureux – décidé et célébré en l’espace de deux lignes seulement − le dramolet de Robert Walser se concentre quant à lui sur cette étape qu’il juge problématique et dont le traitement expéditif par le conte ne semble pas satisfaire l’écrivain : si le prince manifeste certes son désir de prendre Dornröschen pour épouse, quelle est toutefois sa légitimité à prétendre à cette union ? L’exploit accompli est-il une raison suffisante pour que la jeune fille cède à son désir ? A cette question, le roi, la reine et une dame de la cour, indignés, répondent par la négative, non sans minimiser la portée de l’héroïsme princier. Pour eux, l’union de Dornröschen avec le prince ne va nullement de soi, et le désir de ce dernier apparaît comme fort audacieux, voire arrogant. La jeune fille, qui est évidemment la première concernée, souscrit d’ailleurs aux réticences de ses parents, allant même jusqu’à reprocher au prince, désigné dans le texte comme « l’étranger » (der Fremde), d’avoir troublé ses rêves et de l’avoir dérangée dans son profond sommeil. Le reste de la cour (du cuisinier au poète officiel, en passant par la nourrice et le chasseur) s’en mêle et se plaint à son tour de ce réveil inopiné, qui oblige par exemple l’intendant à se plonger dans les comptes du royaume et à régler les factures en attente. Le ton, comme pour les autres transmodalisations de contes opérées par Robert Walser, est donc bien celui de la comédie : Dornröschen, même si elle se résout finalement à  céder au prince, convaincue par son discours sur les frontières du rêve et de la réalité, reconnaît notamment qu’elle se serait imaginé son sauveur plus beau et plus élégant – ce qui permet au passage à l’auteur d’écorner l’image du « prince charmant ». Mais si Walser s’est amusé à différer, le temps d’un dialogue aussi drôle qu’anticonformiste, l’issue heureuse du conte, il ne la modifie pas pour autant, et le dramolet se conclut lui aussi par la décision de célébrer l’union festive des deux jeunes gens.

Dans un article paru en 1964, Werner Günther souligne que les dialogues des dramolets de Walser, dans lesquels s’exprime une tension entre l’imaginaire et la réalité sensible, opposent toutefois moins des individualités fictionnelles qu’ils ne sont le reflet ou l’écho des voies – et des voix – possibles qui coexistent dans l’esprit de Walser

Dornröschen a été représenté pour la première fois, tout comme Schneewittchen, le 17 janvier 1973 au Theater am Neumarkt de Zurich

 

Références

Editeur

Suhrkamp

Contributeur

Anne-Sophie Gomez

Date

1920

Type DC

Format

10 pages à l'intérieur du volume

Source

Blanche-Neige/Schneewittchen (Dramolet) ; Dornröschen, in : Poetenleben. Robert Walser – Das Gesamtwerk III, Zurich : Suhrkamp Verlag, 1978, p. 18-21 [première publication en mars 1916 dans le Sonntagsblatt des Bunds, Berne] ; Dornröschen, in: Kritische A

Gestion des droits

Carl Seelig-Stiftung, Zurich

Langue

allemand