L’Homme à la peau d’ours
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« L’Homme à la peau d’ours » (Der Bärenhäuter) est un conte des frères Grimm (KHM 101) publié en 1815 dans le deuxième volume des Kinder- und Hausmärchen.
Dans ce conte, un jeune homme se désespère de la fin de la guerre car il ne connaît d’autres métiers que celui de soldat. Se sentant inutile et exclu, il erre dans une lande où il rencontre le Diable. Celui-ci lui propose de le faire devenir riche et libre s’il parvient à survivre sept ans en portant l’habit du Diable, qui lui procure de l’argent, ainsi qu’un manteau en peau d’ours. S’il n’y parvient pas, il appartiendra au Diable. Le soldat accepte, revêt la peau et ressemble progressivement à un monstre au fil des années, d’autant plus qu’il a interdiction de se laver, de se raser, ou de se couper les cheveux. Durant la quatrième année de son travestissement, Peau d’Ours rencontre un vieillard malheureux et ruiné. Il décide de l’aider financièrement. Pour le remercier, le vieillard souhaite lui donner une de ses filles en mariage. Les deux premières refusent, la cadette accepte. Peau d’Ours lui offre une moitié de bague et lui annonce son départ pour les trois prochaines années. S’il revient, il l’épousera. Le dernier jour de son pacte avec le Diable, Peau d’Ours quitte son manteau animal et retrouve sa promise. Celle-ci comprend grâce à la bague que le jeune homme est bien Peau d’Ours puisqu’il détient l’autre moitié. Les deux sœurs qui l’avaient précédemment refusé ne le reconnaissent pas, elles découvrent un très beau soldat, s’éprennent de lui et se suicident lorsqu’il annonce son mariage avec la cadette. Ainsi, le Diable gagne deux âmes au lieu d’une.
Anne Jonas réécrit ce conte et l’adapte dans l’album de jeunesse L’Homme à la peau d’ours. La plupart des motifs du conte des Grimm sont conservés, tout comme la trame du récit. Dans cette version cependant, le soldat porte uniquement une peau d’ours (sans l’habit du Diable) et c’est cette peau qui lui procure de l’argent, puisque de l’or apparaît à volonté dans ses poches. Ce motif de l’animal (ici la peau de l’ours) qui produit de l’or et permet la richesse du personnage se trouve également dans « Peau d’âne » de Perrault. En effet, dans le conte du XVIIe siècle, l’âne, dont la peau sera portée par l’héroïne, est merveilleux, puisqu’il « ne faisait jamais d'ordure, Mais bien beaux Écus au soleil ».
Dans L’Homme à la peau d’ours, l’écrivaine insiste aussi particulièrement sur la générosité du héros. Ainsi, en ce que l’album est destiné aux enfants, la vertu du soldat est exaltée et l’écrivaine souligne tout particulièrement sa bonté et son humanité. Le côté didactique du conte est accentué, malgré la fin pour le moins morbide du récit, le personnage positif et vertueux sera récompensé. Comme dans de nombreux contes, placere et docere se mêlent pour apporter divertissement et instruction.
Nous retrouvons ici le thème du fiancé-animal qui atteint la félicité avec la cadette d’une fratrie de trois enfants. Cependant, le travestissement en animal n’est pas le fruit d’une quelconque malédiction, mais d’un choix conscient. La bonté et la générosité du héros sont alors soulignées par contraste avec son apparence monstrueuse. Le thème de l’initiation se lit aussi dans ce conte puisque la jeune fille sera initiée à l’amour après avoir accepté la bestialité du fiancé. Les apparences trompeuses sont aussi au cœur de ce récit car le physique monstrueux de Peau d’Ours n’est en rien représentatif de son intériorité. Cette dialectique entre l’intériorité et l’extériorité du personnage est assez topique du conte, nous la retrouvons dans la plupart des récits mettant en scène un fiancé-animal, comme dans « Peau d’âne » de Perrault, « La Belle et la Bête » de Madame Leprince de Beaumont, ou encore « Serpentin Vert » de Madame d’Aulnoy.
En ce que l’album se destine à la jeunesse, les illustrations sont nombreuses et très colorées, ce qui est plaisant pour des enfants. Notons également que l’iconographie présente une esthétique de la sobriété, les illustrations établissent un dialogue avec le texte et permettent de résumer clairement le récit, sans perdre le jeune lecteur dans un luxe de détails. Dans l’illustration choisie, nous voyons Peau d’Ours qui apporte son aide financière au vieillard, père des trois jeunes filles, en lui offrant une bourse. C’est donc bien l’humanité et la générosité du héros qui sont représentées dans ce dessin. Le soldat est montré avec sa peau d’ours qui le recouvre entièrement, celui-ci porte une longue barbe, signe du respect de son pacte avec le Diable et sa stature est impressionnante. Peau d’Ours s’agenouille devant le vieillard, position qui reflète son humilité, lui prend la main et lui donne une bourse en le regardant dans les yeux. La scène est alors très touchante, le vieillard semble implorer Peau d’Ours et la bonté du héros est mise en valeur par l’illustrateur. La pauvreté du vieillard n’est pas signifiée par son apparence, mais elle se dévoile par le décor. En effet, la chambre du vieil homme est très rustique, presque nue, et des rats courent en arrière-plan dans la pièce voisine, signifiant la misère dans laquelle se trouve le personnage. Par ailleurs, nous pouvons remarquer que le héros porte un habit vert sous sa peau. Dans le conte des frères Grimm, l’habit du Diable que doit porter Peau d’Ours est également de cette couleur. Ainsi, des réminiscences du conte original semblent apparaître dans cette illustration.