The Briar Rose
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Burne-Jones, fasciné par La Belle au bois dormant, après une première incursion dans le sujet avec le panneau de céramiques The Sleeping Beauty (1864), travaille à la mise en images du conte à plusieurs reprises entre 1869 et 1892, réalisant en tout trois séries de peintures sur ce thème. La première est peinte entre 1869 et 1873, c’est une série de trois huiles sur toile réalisée pour son mécène William Graham, aujourd’hui connue sous le nom de « petite série » The Briar Rose (conservée au Museo de Arte de Ponce, Porto Rico). La deuxième comprend quatre huiles sur toile, qu’il commence, abandonne puis reprend entre le milieu des années 1870 et 1890 : acquis à l’époque par le financier Alexander Henderson pour sa résidence de Buscot Park, les tableaux s’y trouvent toujours, augmentés de dix toiles supplémentaires qui complètent de manière décorative la frise autour du salon auquel la série est destinée. Enfin, l’artiste reprend entre 1892 et 1894 trois toiles abandonnées en 1885 pour les mener à leur terme et les vendre de manière séparée. A ces trois séries, on peut encore ajouter une aquarelle (1871) et une gouache (non datée) représentant la dernière scène, « Le berceau de ronces » (« The Briar Bower »). L’ensemble constitue pas moins de dix huiles, une aquarelle et une gouache, auxquelles il faut ajouter les panneaux intermédiaires de Buscot Park, ainsi que les nombreux croquis et gouaches préparatoires qui témoignent de l’évolution de la conception d’ensemble.
Les différentes séries sont organisées autour d’un même épisode : la libération de la belle endormie au sein de son palais. Dans les deux premières séries, la confrontation du prince avec le mur d’épines, qui constituait la scène centrale du panneau de céramiques de 1864, est suivie de la peinture du château assoupi, avec au final le lit de la belle endormie. Plutôt qu’une séquence narrative à proprement parler, Burne-Jones met en place à chaque fois une sorte de grand panorama en trois ou quatre tableaux du château de la belle au bois dormant, chacun de ces tableaux représentant une étape dans le parcours du prince vers la princesse. Le caractère fouillé des décors, des drapés, l’enchevêtrement constant des rosiers sauvages au fil des différents tableaux confèrent à ces différentes séries une grande présence décorative, Burne-Jones exploitant au mieux des formats très horizontaux qui accentuent à la fois l’effet de frise ornementale et l’impression d’un assoupissement généralisé des figures.
On a souvent fait de The Briar Rose un parfait exemple du caractère escapiste de la peinture de Burne-Jones ; certains chercheurs ont toutefois insisté sur le caractère symbolique de l’endormissement, qui préluderait à un réveil qui aurait un sens politique, indirectement lié aux problématiques socialistes qui faisaient la préoccupation d’une partie de l’entourage de Burne-Jones – et au premier chef de William Morris. Des vers de ce dernier accompagnent d’ailleurs la série de Buscot Park, qui autorisent en partie une telle interprétation politique, et témoignent en tout cas de l’importance pour l’artiste de donner une dimension poétique à son œuvre : fondée sur un texte en prose – très probablement de la version des frères Grimm, comme en témoignent le titre, ainsi que la présence du roi endormi, absent de la version de Perrault –, les tableaux peuvent aussi être rattachés à une réminiscence du poème The Day-Dream de Tennyson (1842), et partage avec lui des affinités de conception poétique.
Références : Laurence des Cars, Laurence B. Kanter, Stephen Wildman (dir.), Edward Burne-Jones, 1833-1898. Un maître anglais de l’imaginaire, cat. expo. New York (Metropolitan Museum of Art), Birmingham (Birmingham Museums and Gallery of Art), Paris (musée d’Orsay), trad. Emmanuel Dauzat, Paris, Réunion des musées nationaux, 1999.
Andrea Wolk Rager, « “Smite this Sleeping World Awake” : Edward Burne-Jones and The Legend of the Briar Rose », Victorian Studies, vol. 51, no. 3, p. 438-450 (disponible en ligne sur Jstor).