« Princesse pas douée»

Ilustrateur

Conte référent

Dès que l'on a ce petit album entre les mains, on comprend qu'il s'agit d'un livre pour jeune lecteur destiné à amuser. Princesse pas douée... le titre seul, à consonance très enfantine, renseigne sur le ton de l'histoire que l'on va lire. L'image qui apparaît sur la couverture, dessin minimaliste montrant une jeune fille sur le point de glisser sur une peau de banane, ne manque pas de faire sourire. Et là est bien le but premier de cet album qui renverse tous les codes connus des contes de fées.

On rencontre ici certains personnages récurrents de contes (une famille royale, un tailleur, un ours qui parle et vit comme un homme) mais ce ne sont pas eux les héros de l'histoire. L'héroïne, avatar de la Belle au bois dormant, est en fait aussi différente d'elle que possible. Loin d'être l'incarnation du modèle de perfection féminine qu'est habituellement la jeune fille dans les contes, la princesse est ici une anti-héroïne qui rate tout ce qu'elle entreprend et ne sait rien faire de ses dix doigts. Elle est incapable de danser, de monter à cheval, de faire la révérence... la liste est longue. Alors, avec cette parodie de princesse jouant le rôle de personnage principal, l'histoire ne peut évidemment être qu'une parodie du conte de « La Belle au bois dormant ». La trame générale est pourtant très ressemblante à celle du conte d'origine : un personnage, frappé par une malédiction est plongé dans un profond sommeil duquel seule son âme sœur, par un baiser d'amour, peut le sortir. Mais dans cette histoire tout s'inverse et devient cocasse. Quand la Belle du conte d'origine tombe endormie après s'être piquée le doigt à un fuseau, c'est ici le prince qui sombre dans le sommeil après s'être coupé en se rasant. Là où le prince doit normalement embrasser la jeune endormie pour l'éveiller, la princesse pas douée se demande s'il ne faut pas donner à ce prince vêtu d'un pyjama à petits cœurs – remarquons l'importance des illustrations – s'il ne faut pas lui donner, donc, « un bon coup de marteau sur la tête » ou lui faire des chatouillis pour qu'il sorte de son état.

Pour accentuer encore davantage le caractère comique de l'histoire, celle-ci est ponctuée de détails délicieusement anachroniques (la princesse rétrécit ainsi sa robe en la passant au lave-linge, puis porte un jeans en attendant que le tailleur la lui répare), détails qui rompent encore davantage avec l'univers traditionnel des contes de fées en inscrivant l'histoire dans un contexte plus proche de la vie contemporaine.

Même si la réécriture détourne ici avec les codes du conte et joue avec l'humour, elle transmet malgré tout une leçon qui, si elle est très différente de celle que l'on trouve dans le conte source, est tout de même forte et facilement compréhensible par l'enfant : l'important n'est pas d'être parfait, faire des erreurs est normal et rien n'empêche, finalement, d'être heureux. L'enfant – et ici la petite fille, ce qui a d'autant plus de poids car elle n'est plus passive comme dans le conte d'origine – peut quitter ses parents, aller au bout de sa quête, faire des choix et prendre confiance jusqu'à devenir indépendante. C'est d'ailleurs sur une sentence claire que se termine le texte : « ceci est la morale de l'histoire, il faut se sentir un tout petit peu nul, parfois, pour éviter de l'être complètement ».


À noter aussi que dans cette réécriture, l'intertextualité ne se limite pas au conte de « La Belle au bois dormant ». On peut également déceler des références, implicites ou au contraire très explicites à d'autres contes. La jeune fille qui rencontre une bête dans une forêt n'est pas sans rappeler « Le Petit Chaperon rouge ». De même, le prince-ours cultivé a des allures du prince-bête de « La Belle et la Bête ». Enfin, ce même prince, en plus de rappeler le conte de « Boucle d'Or » par son apparence d'ours parlant, cite clairement ce conte comme étant une de ses lectures : il explique qu'il lit « [u]n peu […]. Des contes, surtout. Boucle d'Or, des histoires comme ça ». Princesse pas douée, petit album sympathique, pousse donc son jeune lecteur à mobiliser ses lectures précédentes tout en lui présentant une version nouvelle, modernisée et facilement accessible, d'un célèbre conte qu'il connaît bien dans sa version originale.

Références

Editeur

L’école des loisirs, coll. « Mouche »

Contributeur

Adeline de Miras

Date

2013

Type DC

Format

livre (19 x 12,5 cm, 60 pages)
Relation : " Princesse pas douée" (livre audio), Christian Oster et Agnès Serri Fabre, 2014-07-07

Identifiant

ISBN 978-2-211-21010-2

Gestion des droits

L’école des loisirs, Paris

Langue

français