Blanche-Neige
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Le texte, comme indiqué en première de couverture, est librement « inspiré du chef d’œuvre des frères Grimm ». Il se présente donc comme une adaptation qu’on dira créatrice et qui se veut un hommage aux Grimm. L’auteur, Giada Francia, investit les ellipses du texte source et développe à l’envi la période de deuil du père comme les raisons de son remariage, soit l’amont ou l’avant du conte original. Au cœur du conte original, elle procède par amplifications : amplification de la scène du mariage, amplification des dialogues (de la reine avec son miroir, de Blanche-Neige avec le chasseur, des nains entre eux et avec Blanche Neige), et confère aux personnages une psychologie et une vie intérieure qu’ils n’ont pas dans le texte-source. Elle modifie sensiblement la nature et le parcours de la reine, reine explicitement qualifiée de sorcière qui se transforme en corbeau lorsqu’elle consulte son miroir, tente à la fin de s’envoler par la fenêtre mais est mise en cage par les nains. Disney se mêle à l’occasion de la partie en fournissant aux nains leurs prénoms et comportements singuliers.
Le livre vaut surtout pour l’originalité et la somptuosité des illustrations grand format de Manuela Adreani, artiste free lance italienne qui a mis en images de nombreux autres contes, par exemple Alice in wonderland et The wizard of Oz chez White star kids ; Rapunzel et The poor turkey girl chez Benchmark education. Elle a reçu un prix pour son illustration remarquée de Pinocchio (White star kids). Le graphisme est dans le cas présent inspiré de la peinture japonaise traditionnelle, inspiration lisible singulièrement dans le traitement de la forêt hostile, des visages, coiffures et silhouettes des personnages. A l’occasion et en réponse au texte qui y fait référence, certaines scènes empruntées à la version cinématographique dysnésienne sont reprises et reconfigurées. C’est le cas pour la scène où les nains découvrent Blanche-Neige, pour celle où la reine descend un escalier sans fin. Les illustrations tirent leur force des angles de prise de vue adoptés, variés et concertés : gros plan sur le visage de Blanche-Neige, sur le dos de son corsage lacé, très gros plan sur la main de la reine enfonçant le peigne dans la chevelure de Blanche-Neige, sur les doigts de la reine tenant la pomme empoisonnée, sur les bras démesurément allongés et les mains enlacées de Blanche-Neige et du prince ; en double page, plan en plongée sur le château, et sur l’escalier sous-terrain fantasmatique qu’emprunte la reine ; pour construire un effet dramatique, plan en contre-plongée sur Blanche-Neige fuyant dans la forêt ou sur Blanche-Neige, dont on ne voit que le dos, tenant dans sa main la pomme offerte par la reine (qu’on voit sortir au fond de la maison et dont l’ombre immense et menaçante s’étale sur le plancher). Sur le plan symbolique, on retiendra deux scènes qui offrent une interprétation intéressante du conte: celle où la reine consulte son miroir et voit l’image de Blanche-Neige s’y inscrire, celle où le prince découvre Blanche-neige endormie dans son cercueil de verre. Dans ces deux scènes s’inscrit une réflexion (qui est aussi une « réflection », si l’on peut user de cet anglicisme) sur la recherche du double. Dans la première, le visage de la reine et celui de Blanche-Neige reflété par le miroir sont identiques, avant que ne se manifeste ensuite une dissemblance progressive. Blanche-Neige, un double rêvé en vain par la reine. Dans la seconde, le prince contemple Blanche-Neige au travers de la vitre transparente du cercueil, qui fait office de miroir et qui, placée horizontalement, dessine un axe de symétrie. De part et d’autre de cet axe, d’un côté à l’autre du miroir, le visage du prince et celui de Blanche-Neige sont semblables. Blanche-Neige a trouvé son vrai reflet et son vrai double.