La Reine au Bois Dormant
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Pierrette Fleutiaux nous offre à lire un conte des plus original. « La Reine au Bois Dormant » est un hypertexte à la riche complexité. Ce conte fait partie d’un recueil bien plus large : Les Métamorphoses de la reine. Le titre du recueil éclaire l’œuvre dans son ensemble. En effet, les contes de Grimm y sont véritablement métamorphosés. Biologiquement, la métamorphose implique un processus d’évolution depuis un âge juvénile jusqu’à un âge adulte. Il en est de même dans l’œuvre de Pierrette Fleutiaux. Elle l’explique elle-même dans la préface : elle réécrit ses contes afin d’en faire des contes pour adultes. Elle interroge les contes de référence en les plaçant sous la problématique du rôle du personnage féminin notamment. Par conséquent, « La Belle au Bois dormant » devient « La Reine au Bois Dormant » sous sa plume. Du même coup, l’héroïne se retrouve propulsée à un âge mais aussi à un statut social et hiérarchique bien plus elevé. Elle perd sa superficialité puisque la beauté n’est plus ni le premier critère d’identification ni de désignation. Nous voilà donc devant un conte non pas ludique mais sérieux adressé aux adultes.
L’auteur use de différentes méthodes et procédés pour réécrire le conte source. Elle se sert à plusieurs reprises d’euphémisations des motifs structurants du conte. Ainsi le château n’est plus qu’un « palais » et le sommeil de cent ans est réduit à une simple somnolence. Pierrette Fleutiaux opère d’autres modifications et inverse certains schèmes du conte de sorte que ce n’est plus le prince qui vient délivrer la princesse, mais bien une femme qui s’empare de son prince. Toute la spatialité ainsi que la temporalité du conte original sont complexifiés et détournés. De fait, l’auteur transpose le hors-temps de Dornröschen dans une actualisation au présent du conte, mais toujours indéfinissable de sorte que l’héroïne n’est pas habillée d’une somptueuse robe, mais d’un jean. Quant à l’espace, il est le résultat d’une psychologisation à l’extrême du conte et de ses personnages.
Dans cette réécriture moderne, la question de la sexualité a alors toute sa place. Elle se glisse dans le texte grâce à un langage analogique que le lecteur est amené à décrypter en regard de l’hypotexte. Le conte de Pierrette Fleutiaux devient purement symbolique, et il est à considérer comme un signifiant du texte source. En fait, « La Reine au Bois Dormant » est non seulement un outil de médiation symbolique de la « Belle au Bois Dormant », mais aussi un outil d’introspection du personnage principal. Chez Pierrette Fleutiaux, le protagoniste n’est plus une vitrine érigée en exemple pour l’éducation des enfants, mais il invite véritablement à penser la féminité. Nous plongeons ainsi dans les méandres de la conscience d’un personnage qui, dans sa version moderne, est doté d’une profonde dimension psychologique. Il ne reste du conte premier des Grimm qu’une « parodie » au sens où l’entend Gérard Genette. En effet le conte initial a subi une « transformation » ou plus précisément, une « transposition » des éléments menaçants, discrets mais inhérents à l’hypotexte, et amplifiés à outrance chez Fleutiaux. L’enjeu de cet auteur semble alors être de laisser une place au sentiment, non plus d’émerveillement, mais de dégoût et à l’atmosphère morbide qui règne. Pierrette Fleutiaux donne à lire un texte méta-poétique où les mises en abyme de l’activité de conteur pointent les procédés de réécriture répondant aux critères de la « transposition hétérodiégétique » selon Genette, ou encore à la « perversion par contrefaçon », si l’on se fonde sur les travaux de Jean de Palacio.