Frau Holle Das Märchen von Goldmarie und Pechmarie
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Frau Holle de Peter Podehl reprend les éléments narratifs et symboliques du conte des Grimm tout en les développant et en les encadrant dans une seconde intrigue : Goldmarie (Madeleine Binsfeld), devenue orpheline, se rend chez sa tante, la veuve Berta (Addi Adametz) et la fille de cette dernière, Pechmarie (Iris Mayer), à Blumenau. Goldmarie se voit aussitôt rudoyée et mise à contribution par les deux femmes comme bonne à tout faire. Un héraut arrive alors au village pour annoncer que celle qui filera le plus beau fil sera nommée tailleur de la cour. Ainsi, le travail de la jeune fille au bord du puits trouve une cause : elle doit filer à la place de sa cousine, trop paresseuse. De même, son retour triomphal, recouverte d’or, avec la bobine retrouvée et un fil d’une qualité extraordinaire, lui font remporter le concours.
Cet emboîtement du conte originel dans une seconde intrigue souligne la caractéristique structurelle du conte, formé de deux volets symétriques et répond aux exigences de l’adaptation à l’écran : le conte des Grimm, lu en quelques minutes, doit être développé durant plus d’une heure dans le film, ce qui entraîne des modifications au niveau du rythme et donc de la structure narrative. De plus, l’intrigue du concours princier permet de dynamiser le scénario en proposant un véritable enjeu dynamique et une modification notable de la situation initiale à la fin : en effet le conte est basé sur la répétition, celle de deux parcours symétriques et non sur une progression significative : la jeune orpheline retourne vivre chez sa tante ; l’épreuve initiatique ne l’a pas changée, elle est seulement bien accueillie grâce à ses nouvelles richesses. Dans le film de Peter Podehl, Goldmarie ne reste pas vivre avec sa tante et sa cousine : elle s’élève dans la société en se rendant à la cour et trouve là l’occasion de montrer son bon caractère en emmenant avec elle sa tante et sa cousine : la situation initiale est nettement renversée à la fin, ce qui correspond davantage aux attentes du public, en terme de moralité et aux contraintes du genre cinématographique. En effet, le film doit répondre à un horizon d’attente différent de celui du conte, même lorsqu’il vise le divertissement et le jeune public. Il ne peut ainsi se contenter de la charge symbolique du conte : l’or qui recouvre Marie ne suffit pas à sanctionner – moralement – son bon comportement. Le cinéma s’ancre davantage dans le concret : son cahier des charges exige que tout en conservant les symboles du conte, il montre que l’aventure a un impact « réel » sur la destinée de Goldmarie. Le propos du conte, montrer deux façons de réagir face aux obstacles et de s’inscrire dans le monde, est ainsi légèrement détourné pour acquérir une portée plus morale dans le film. Toutefois, comme on l’a souligné plus haut, le film conserve et développe les aspects symboliques du conte. Les deux mondes, le monde réel et le monde imaginaire de Frau Holle sont par ailleurs clairement distingués : le cadre réaliste du premier – au début du film et à la fin - fait place à un environnement plus symbolique et aux décors enfantins qui renvoient au domaine du conte. Celui-ci, en tant que source, se trouve mis en abyme par ce décor simplifié et placé au centre du film, dans le domaine de Frau Holle. En guise d’exemple d’un redoublement symbolique, Goldmarie entre dans l’histoire dans la charrette du rémouleur qui l’amène jusqu’au village et à sa nouvelle maison, et elle en sort dans la voiture princière qui l’emmène cette fois au château. Le choix du rémouleur n’est sans doute pas innocent, puisqu’il est celui qui aiguise les couteaux et les ciseaux, introduisant le motif de la blessure à la main et du sang : l’orpheline se blesse sur la quenouille et la bobine de laine tachée de sang tombe dans le puits.
Le séjour chez Dame Holle est lui aussi conservé et enrichi : tout en gardant le motif du pommier qui demande à être déchargé de ses fruits et du four où brûlent les pains qui précède l’arrivée de Goldmarie, les travaux ménagers sont diversifiés : La fillette ne doit pas seulement secouer les édredons pour amener la neige, mais elle est chargée de toute la météo : nuages, vent, soleil, pluie selon des rituels variés. Le séjour chez Dame Holle prend des allures cosmiques : Frau Holle du conte est souvent assimilée à une déesse de la mort, associée à la neige et à l’hiver, donc à la finitude de toute chose. Dame de la pluie et du beau temps dans la version de Peter Podehl, elle est déchargée de son potentiel effrayant : elle n’a pas de longues dents et se présente comme une femme bienveillante : elle est douce avec Marie, la prend très régulièrement par la main et fait ainsi contrepoint avec la mauvaise mère que représente Berta.
L’antagonisme des deux sœurs sur lequel repose le conte est par ailleurs constamment souligné : par l’onomastique d’abord, les deux personnages portant le même nom. Toutefois, l’une est surnommée « Goldmarie », laissant présager sa fin heureuse, tandis que « Pechmarie » est d’emblée désignée comme « malchanceuse ». Physiquement, la première est blonde, renvoyant traditionnellement aux canons de beauté physique et morale, tandis que la seconde est brune et égoïste : la première se réjouit de rencontrer sa cousine pour jouer avec elle, la seconde attend impatiemment Goldmarie pour se décharger sur elle de toutes ses tâches ménagères. Pechmarie n’est pas foncièrement mauvaise, mais elle a été gâtée par sa mère. Les deux femmes sont d’ailleurs symétriques : jupe verte et haut rouge pour la mère, jupe rouge et haut vert pour la fille, elles portent également le même tablier jaune toutes les deux. Berta domine le duo, plus intelligente et plus rusée que sa fille : Pechmarie est toujours cantonnée dans le rôle du mauvais doublage, celui de sa mère ou de sa cousine. Par son costume, elle est un double de sa mère, par ses actes elle imite sa cousine, mais réussit moins bien qu’elle. Contrairement à Goldmarie qui n’économise pas sa peine, Pechmarie est inactive dans tous les sens du terme : cette paresse qui la caractérise – on la voit constamment dormir chez dame Holle – est le reflet de son manque de consistance en tant que personnage. La même succession de plans nous montre Pechmarie dans les mêmes situations que Goldmarie chez Frau Holle, instaurant une symétrie qui place à nouveau la seconde dans l’imitation – mauvaise – de la première.
Le film développe ainsi le contenu narratif et symbolique du conte pour le rapprocher d’autres scénarios typiques des contes de fée, dans lesquels la jeune fille sans appui se trouve distinguée par ses qualités morales. L’aspect mortifère du séjour chez Dame Holle est atténué par le choix d’un personnage affable et maternel.