Maléfique
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Le film se veut une réinterprétation du conte originel (La Belle au bois dormant, version de Charles Perrault publiée en 1697 dans son recueil Histoires ou contes du temps passé) ainsi qu’un dérivé du film de Disney (La Belle au bois dormant (Sleeping beauty)) réalisé en 1959 par Clyde Geronimi. Le métrage est centré autour de la figure de Maléfique (Angelina Jolie) qui dans le conte n’est autre que la mauvaise fée (la fée carabosse).
L’histoire débute en nous présentant l’enfance de Maléfique (jouée par Ella Purnell), jeune fée joyeuse qui armée de ses ailes et de ses cornes veille sur les créatures magiques de La Lande, un royaume paisible où règnent le bonheur et l’harmonie. Cependant ce royaume est depuis toujours en discorde avec le royaume voisin qui n’est autre que le royaume des hommes dirigé par un roi avide de pouvoir qui tente de s’emparer des richesses de la lande. Arrivée à l’âge adulte, Maléfique est trahie par Stéphane (Sharlto Copley), un jeune homme qu’elle aimait, qui devient le nouveau roi.
Le cœur de Maléfique se noircit et comme dans le conte elle jette un maléfice sur la descendante du roi, la princesse Aurore (Elle Fanning). À son seizième anniversaire, la princesse se percera le doigt d’un fuseau et tombera dans un sommeil profond, sort irrévocable à moins qu’un baiser d’amour sincère vienne rompre le charme. Aurore est alors élevée à l’écart du château et surveillée à distance par Maléfique. Alors qu’elle apprend à connaitre la jeune fille, Maléfique commence à avoir des doutes sur le sens de son maléfice et finit par voir en la princesse la clé de sa propre rédemption.
Le film présente une relecture intéressante de la version des frères Grimm et de celle de Perrault, qu’il combine. La version proposée est en adéquation avec notre propre époque dans laquelle les codes ont changé : les histoires traditionnelles de contes de fée où le prince doit épouser la princesse ne sont plus de mise, d’où la nécessité d’élaborer un nouveau schéma. C’est ce que tente de faire le film en plaçant au centre de l’intrigue le personnage de l’antagoniste plutôt que celui d’Aurore (qui n’est autre que La Belle au bois dormant). À cet égard l’intérêt du film réside dans la façon de déplacer la question morale. Bien que l’on reste sur le modèle du Bien qui doit triompher du Mal, on assiste à un retournement en ce qui concerne l’identité du méchant. C’est désormais le roi Stéphane qui endosse ce rôle, il y a un transfert qui s’opère.
Certes le personnage de Maléfique commet des actes répréhensibles, mais agit de la sorte simplement parce qu’elle a été blessée physiquement et moralement, elle n’a donc pas choisi de devenir mauvaise contrairement à Stéphane que rien ne poussait à l’être et qui l’est devenu naturellement. Cette opposition souligne la binarité du monde des humains qui recèle autant de créatures pures telles qu’Aurore que d’êtres avides de pouvoir et de domination comme Stéphane.
Cette transposition contredit la fameuse pensée de Platon qui énonce que « nul n’est méchant volontairement » et pose la question du libre arbitre. Les hommes sont vus comme des êtres envieux, envieux des richesses de la Lande mais pas seulement. Ce qu’ils envient par-dessus tout, c’est le mode de vie des créatures du monde merveilleux qui semble bien plus désirable que celui des hommes qui apparait comme beaucoup plus sombre. Le message étant que le monde imaginé est toujours supérieur à la réalité. Stéphane court après un idéal inaccessible, puisqu’en réalité le but qu’il poursuit est un conte, donc quelque chose d’imaginaire.
Une autre transposition très intéressante est la façon dont est détournée la topique de l’amour. Dans le film ce n’est pas le baiser du Prince qui brise le sort (ce dernier s’avère sans effet) mais bien celui de Maléfique, ceci introduisant un motif inédit dans le conte, celui de l’amour maternel, lien extrêmement fort et mystérieux. Le message implicite est que l’amour des hommes pour les femmes n’est pas sincère, ceci déconstruisant tous les présupposés que le spectateur lecteur a pu emmagasiner au fil de son expérience de lecture. La mère à travers l’enfant acquiert ici la clé de sa propre rédemption à travers l’amour que celui-ci lui porte. Cette dimension amène au conte quelque chose de plus contemporain, il l’actualise à travers une problématique moderne bien présente dans nos sociétés.
Le conte à travers ce film retrouve sa signification première qui est d’apprendre à l’enfant ce qui est bien et ce qui est mal, à ce titre ce retournement des schémas préconstruits et d’autant plus captivant.