« La Biche au Bois », Contes des fées. Nouvelle édition illustrée.

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Contes des fées. Nouvelle édition illustrée (1872) est un recueil de contes en un tome qui regroupe une vingtaine de contes. Les contes sont rassemblés par auteurs. Figurent dans ce recueil Charles Perrault, Madame d’Aulnoy, Hamilton et Madame LePrince de Beaumont. Tous les contes ont été illustrés sous la direction de A. Gusmand et G. Staal. « La Biche au Bois », de Madame d’Aulnoy, est le vingt-deuxième conte du recueil. L’illustration choisie est une gravure sur bois de A. Gusmand et Bertall. C’est la sixième gravure du recueil qui illustre ce conte, parmi les neuf.

Dans ce conte, la reine du royaume se plaint de la stérilité de sa couche. Elle se rend régulièrement dans des fontaines réputées pour leur pouvoir de guérison. C’est à cette occasion qu’elle rencontre une fée, sous la forme d’une écrevisse, qui lui propose de réaliser son souhait d’avoir un enfant en la menant au royaume des fées. Mais, à la naissance de son enfant, elle oublie d’inviter la fée Fontaine. Humiliée, la fée jette un sort sur l’enfant qui ne pourra voir le jour avant ses quinze ans, sous peine de, « peut-être », mourir. La princesse Désirée vit donc recluse jusqu’à ce que ses parents entreprennent de la marier. Le prince Guerrier, qui était promis à la princesse Noire, tombe éperdument amoureux du portrait de Désirée et supplie son père de briser sa promesse pour l’épouser. Les deux familles royales arrangent un mariage entre les deux jeunes gens, mais ils doivent attendre la fin de la malédiction. La princesse trouve alors un subterfuge pour retrouver le prince avant les trois mois requis : elle demande à voyager dans un carrosse fermé. C’est alors que sa suivante, piquée de jalousie et amoureuse du prince, ouvre le carrosse. La princesse se transforme en biche et trouve refuge dans la forêt. Sa suivante entreprend alors de se faire passer pour la princesse et d’épouser le prince en son nom. Elle reçoit l’aide de la fée Fontaine, encore piquée de colère contre Désirée. En effet, la princesse Noire, humiliée par le rejet du prince, a demandé à sa marraine la fée Fontaine de l’aider à se venger de Désirée. Mais, la laideur de la suivante dégoûte le prince qui refuse de l’épouser. Il se languit de la jeune fille sur le portrait. La fée Tulipe, affligée par le sort que connaît Désirée, change sa malédiction : elle pourra retrouver sa forme humaine la nuit tombée. Le prince Guerrier, parti dans la forêt, tombe sur la biche et la prend en chasse. Le lendemain, alors que le prince est assoupi dans cette même forêt, Désirée, sous la forme de la biche, reconnaît en son chasseur le prince Guerrier. Le prince Guerrier ne la reconnaît pas, mais se prend d’affection pour cette biche unique. Désirée le fuit, de peur qu’il découvre le sortilège. Le prince la poursuit encore et la blesse. La nuit tombée, il voit dans la chambre voisine la princesse Désirée qui saigne de la même blessure que la biche. Les amants se reconnaissent, Désirée pardonne à sa suivante, et devient reine aux côtés du prince Guerrier.

« La Biche au Bois » est classé dans les contes du type AT 401. Il s’agit d’une sous-catégorie de « l’épouse animale » (AT400). Ce conte prend donc le contrepied de « La Belle et la Bête » en déplaçant l’animalité du côté du sexe féminin. Pourtant, le déplacement de l’animalité ne signifie pas le déplacement de la bestialité. En effet, dans les contes de type AT 425, c’est la vertu et l’affection de la jeune fille qui permettent au fiancé-animal de trouver ou de re-trouver une forme humaine. Mais, dans « La Biche au Bois », bien que le prince Guerrier se prenne d’affection pour la jeune fille, ce n’est pas lui qui est à l’origine du retour à la forme humaine. Il la chasse même, et la blesse avec violence. La bestialité est donc encore l’apanage du masculin, elle est d’ailleurs liée à la sexualité. En effet, le retour à la féminité n’est permis à Désirée que par le biais d’une blessure. La tâche de sang rouge sur la robe blanche de la biche, ainsi que la référence à la blessure, permettent d’avancer que l’hymen de Désirée a été rompu. Le passage à la féminité et à l’âge adulte pour la jeune fille est donc assez violent. La métamorphose en biche permet à la jeune fille, comme pour Peau d’Âne, d’être protégée pendant cette transition. La forme animale de la jeune fille lui permet également un comportement avec le prince qui ne serait pas admis en société : « Elle se coucha à quelques pas de lui […] ; elle soupirait, elle poussait de petits gémissements. Enfin, devenant plus hardie, elle s’approcha encore davantage ; elle le touchait lorsqu’il s’éveilla ». De fait, le prince tente d’apprivoiser la biche et Désirée tente d’approcher le prince. Les deux amants, au lieu de se contenter de tomber amoureux de portraits et de s’empresser de se rencontrer, apprennent à se rencontrer à se regarder.

La gravure choisie illustre justement l’initiation au regard de l’autre. Le conte, en effet, est accompagné de neuf gravures qui illustrent les principaux épisodes du conte. La gravure étudiée a la particularité de représenter Désirée sous la forme d’une biche, tout en gardant son humanité. En effet, la position lascive de la biche, son regard tourné vers l’amant et la position des jeunes gens favorisent l’identification de la biche à la jeune fille. Le prince est représenté avec de luxueux vêtements. Il renonce à user de la violence, posant son arc au sol. On remarque également le bandeau qu’il a fait autour de la patte de la biche, élément qui est présent dans le texte. Le décor au second plan représente une forêt, ce qui concorde avec le texte. Ce décor est également favorable à l’intimité et à l’amour des jeunes gens. Ce passage du texte est décisif : c’est cette blessure qui va permettre l’anagnorisis et qui emblématise le passage à l’âge adulte. Leur amour étant consommé, le prince prend la biche sous sa protection, en témoignent le bandage et le geste tendre du prince envers la biche.

 

Références

Editeur

Garnier frères (Paris)

Contributeur

Morgane Lebouc

Date

: Ce recueil a été publié en 1872. Cependant, Madame d’Aulnoy a publié « La biche au bois » en 1699 pour la première fois, dans son recueil Contes nouveaux ou les fées à la mode.

Format

gravure in-8
Relation: http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30572528x

Identifiant

ark:/12148/bpt6k65671811

Source

Ville de Paris / Fonds Heure joyeuse, 2013-377192

Gestion des droits

Domaine public.

Langue

français