Mirror Mirror / Blanche neige

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Conte référent

Le film, boudé par la critique lors de sa sortie, est cependant une réécriture intéressante à plus d’un titre. Il mêle les genres : parodie, fantasy, récit d’aventures mouvementées (avec scènes de combats), récit édifiant et larmoyant, finale bollywoodien… Sur le plan technique, soucieux de « bâtir physiquement une réalité alternative », il fait évoluer les personnages de chair et d’os dans d’extravagants et somptueux costumes (oscarisés), des décors démesurés construits sur des plateaux et complétés par des images de synthèse. On retiendra comme particulièrement réussies la traversée vers la maison du miroir ; la forêt de bouleaux enneigée, traitée en noir et blanc, inspirée au réalisateur par L’enfance d’Ivan de Tarskovski mais qui évoque aussi Les chasseurs dans la neige de Bruegel et Le Kurent mort de France Mihelic. La narration, l’intrigue, les rapports entre personnages sont revus en profondeur, souvent par inversion. La narration anonyme du conte source est ici prise en charge par la reine elle-même (interprétée par Julia Roberts) qui, sur un ton ironique, pincé, mielleux et fielleux à la fois, prétend démontrer que l’histoire de Blanche Neige est en fait son histoire. Mais progressivement sa voix se fait plus rare, des faits se déroulent qui n’entrent manifestement pas dans son champ de perception (et de pouvoir) et ne peuvent donc être logiquement rapportés par elle. Dessaisie de son statut de narratrice qu’elle aurait voulu omnisciente et surtout omnipotente, ne lui reste plus in fine qu’à reconnaître que Blanche Neige est bien l’histoire de Blanche Neige. La personnalité et les motivations des personnages sont repensées. La reine, qui partage bien des traits avec la reine de cœur d’Alice au pays des merveilles (elle aime aussi couper les têtes) et surtout la reine rouge de De l’autre côté du miroir (elle traite ses laquais comme des pièces d’un jeu d’échec), est, comme le dit un valet, « complètement cinglée ». Elle n’est point jalouse de la beauté de Blanche Neige, seulement amoureuse d’elle-même et ivre de son pouvoir de séduction (soigneusement entretenu par des masques à la fiente de pigeon) : son miroir ne lui dit pas que Blanche Neige est la plus belle, il ne fait que lui renvoyer une image vieillie d’elle-même. Dévoreuse d’hommes (elle a fait disparaître le père de Blanche Neige, a épuisé trois autres maris et en vise un cinquième), elle règne en despote, épuise les finances du royaume pour sa seule satisfaction narcissique. Les nains et le prince entrent en scène bien avant que Blanche Neige ne les rencontre. Les nains, incroyables combattants montés sur de noires échasses pneumatiques, sont d’anciens bouchers ou instituteurs devenus détrousseurs d’or. Le prince, quant à lui, est un jeune homme falot qui se retrouve souvent dans des situations embarrassantes, en slip et torse nu (une sorte de Tarzan ridicule), pendu par les pieds ou victime d’un philtre d’amour pour chien, donné par erreur par la reine, qui le transforme en renifleur frétillant. Et c’est bien Blanche Neige qui, passés ses dix huit ans, va prendre les choses en mains, soit remettre les nains sur le droit chemin, rendre au peuple affamé les impôts indûment perçus, se sortir elle-même de situations périlleuses (parce qu’elle en assez des princes qui sauvent les jeunes filles et parce qu’elle a appris l’art du combat auprès des nains), donner au prince un baiser… à la fraise (et non recevoir le lui un baiser comme le veut la tradition) afin d’annuler les effets du philtre amoureux pour chien et, enfin, redonner vie à son père disparu. Les maléfices de la reine, qui relèvent de la pure fantasy (marionnette de bois vindicative, monstre ailé), éloignés de ceux imaginés par les Grimm, sont tous surmontés. Le spectateur se dit que la pomme, attendue, ne paraîtra pas. Elle apparaît ironiquement cependant dans l’un des derniers plans du film. La reine vieillie la tend à Blanche Neige le jour de son mariage. Blanche Neige en découpe un quartier qu’elle donne à manger à la reine. Une déconstruction chronologique du conte-source et une inversion des rôles qui confère à cette pomme une nouvelle portée symbolique. Il n’est pas sûr en revanche que le réalisateur ait réussi à mettre en œuvre son intention déclarée : montrer un prince « qui  poursuit une quête identitaire semblable à celle de Blanche Neige ».

Références

Editeur

Bernie Goldmann, Ryan Kavanaugh, Brett Ratner (producteurs)

Contributeur

Catherine Tauveron

Date

2012

Type DC

Format

1 h 45

Langue

français
anglais