Les contes palpitants des 7 Ours Nains
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Le recueil est composé de trois contes qui saisissent trois instants de la vie mouvementée de sept ours nains. Nous n’en retiendrons que deux, dans lesquels le destin de Blanche-Neige est central. Ces contes « mêlés », dont les héros sont le fruit évident d’une hybridation, jouent avec humour sur les similitudes de certaines scènes « attestées » ici et là dans les contes canoniques (intrusion de Boucle d’or et de Blanche-Neige dans une maison qui ne leur appartient pas ; catalepsie de Blanche-Neige et endormissement de La Belle au bois dormant ; présence d’un prince à leur réveil…) et postulent en conséquence un univers diégétique géographiquement étendu et partagé par l’ensemble de leur « personnel ». Ils orchestrent de surcroît à l’occasion de joyeux sauts métaleptiques incongrus : des personnages transfuges, venus d’horizons fictionnels sans liens a priori, se mêlent un instant par surprise aux néo-autochtones, pour leur donner subrepticement des conseils avisés. Entre ratage des programmes narratifs inscrits et gains inespérés, le destin de beaucoup est changé, singulièrement celui de ces « enquiquineuses de princesses en détresse ».
Dans le premier conte retenu, « Boucle d’or et les sept ours nains », le titre opère d’entrée de jeu une fusion entre les trois ours de Boucle d’or et les sept nains de Blanche-Neige, confusion facilitée par le fait que l’une et l’autre des héroïnes ont eu dans les histoires-sources l’occasion d’envahir leur maison. Toutefois, c’est bien Banche-Neige et non Boucle d’or que les ours nains découvrent allongée sur leurs sept lits placés en enfilade (même si elle a aussi, comme l’autre, dévoré antérieurement le contenu des bols…). Et Boucle d’or n’est pas celle qu’on attend et où on l’attend. Boucle d’or est le surnom du vaillant petit tailleur, chasseur de géants devenu prince, comme l’on sait, parce qu’il porte une ceinture dont la boucle d’or rappelle par son inscription (« Sept d’un coup ») ses exploits d’autrefois. C’est lui que les ours nains vont consulter dans son château pour qu’il les débarrasse de l’intruse géante. Mais Boucle d’or, pressé par les nains de réveiller Blanche-Neige, se refuse à lui faire un bouche à bouche « parce qu’il ne la connaît même pas ! ». Arrive sur ces entrefaites, un dératiseur qui a tout du joueur de flûte de Hamelin, que l’on éconduit parce que pour les rats, les ours-nains ont déjà un remède : la pomme empoisonnée. Il apparaît soudain que Blanche la géante a dû manger une de ces pommes. Il s’agit donc maintenant de lui « faire recracher au plus vite le morceau ». Dans l’opération, les lits et la maison (miniature) s’écroulent, ce qui justifie l’apparition éphémère du troisième petit cochon qui commente la situation : « Ça, je vous l’ai répété ! Pour une maison solide, y a que la brique qui convient. ». Blanche-Neige ressuscitée devient instantanément pour Boucle d’or « la femme de sa vie ». Les nains, désormais sans domicile fixe, sont hébergés au château et accueillis par les neveux du prince qui ne sont autres que le Petit Poucet et ses frères ravis d’avoir enfin des « zours en pôluche » à leur disposition.
Le deuxième conte, intitulé « La belle aux ours nains », semble annoncer un mélange de « La Belle au bois dormant » et de « Blanche-Neige ». De fait la première scène (un miroir qui répond à la reine marâtre que « la plus belle c’est Blanche-Neige, tout le monde sait ça… ») évoque directement « Blanche-Neige ». Tandis que la seconde (une fée qui plonge un château dans le sommeil pour accompagner celui de la princesse) évoque « La belle au bois dormant ». Mais les scènes suivantes reconduisent à « Blanche-Neige » : les ours nains, sortis de leur hibernation et s’apprêtant à aller chercher de la nourriture, aperçoivent une jeune fille qui tente de franchir leur seuil et leur demande l’hospitalité après leur avoir raconté sa fuite et les intentions mortifères de la reine-marâtre. Les ours nains réclament un service en échange mais la belle refuse de faire le ménage (« Hein ? ça va pas non ? J’suis quand même une princesse… »). Le plus jeune des ours nains est envoyé en mission « pour lui dégoter un prince » et ainsi s’en débarrasser. Le seul possible prince rencontré est un oiseau qui prétend avoir été transformé (pour sept ans, un temps beaucoup trop long…) par une fée. L’ours nain pénètre alors dans un château où se déroule un bal, le bal même de « Cendrillon ». Un prince est ici disponible, mais qui « en matière de princesse est déjà servi ». Les douze coups de minuit dépassés, la promise se retrouve crasseuse Cendrillon et le Prince se laisse tenter par l’autre princesse mise sur le marché. Mais le charme dont a été victime l’oiseau bleu de dissipe et voilà deux prétendants et rivaux en puissance, qui en rencontrent un troisième en la personne du prince transformé en crapaud attendant le baiser salvateur. La « mémé » croisée au coin du bois et pressée d’embrasser le vilain crapaud (« Dis-moi l’ancienne, que dirais-tu d’un baiser ? Cela doit faire bien longtemps que l’on ne t’en a point donné ! »), reprend aussitôt sa forme initiale de fée (celle même de la deuxième scène) et se refuse après une rude journée (transformation de Cendrillon, endormissement du château de la Belle au bois dormant…) à user à nouveau de ses charmes. Mais le prince crapaud lui vole un baiser, retrouve sa forme première au grand scandale de la fée abusée. « Que les hommes soient maudits jusqu’à la fin des temps ! » hurle-t-elle et les trois princes deviennent aussitôt les trois petits cochons. L’ours nain revient donc bredouille de sa mission. « Quant à Blanche-Neige, qui ne trouva jamais son prince, il fallut bien qu’elle se mette au travail ». L’image la montre la tête couverte de bigoudis, accablée par sa tâche de repassage mais, parce que l’espoir fait vivre, chantant comme chez Disney: « Un jour mon prince viendra… ». Le miroir de la reine marâtre n’a plus d’hésitation : c’est bien elle la plus belle.