Suspiria
Auteur
Conte référent
Sujet / Mots clefs
Ce film d’horreur fantastique n’est pas à proprement parler une adaptation de « Blanche-Neige » (on ne retrouve pas l'ensemble des personnages du conte : nains ou prince charmant). Il emprunte aussi à d’autres œuvres aussi variées qu’Alice au pays des merveilles, Le Magicien d’Oz, les textes de Thomas De Quincey ou les autres films d’Argento. Néanmoins son réalisateur reconnaît s’être inspiré du conte des frères Grimm, ainsi que du film d’animation de Walt Disney. On peut ainsi retrouver une jeune fille à la frontière entre l’enfance et l’âge adulte au physique semblable à celui de Blanche-Neige, Suzy Benner, qui en arrivant dans une école de danse située à Fribourg, au cœur de la Forêt Noire, va être la proie de la directrice Helena Markos, la Reine Noire, aux apparences protéiformes et de ses sorcières et autres sbires. Cependant la reine-sorcière ici ne cherche pas à supprimer la jeune fille pour sa beauté rivale, mais pour conserver son pouvoir, comme le faisait la Reine dans « Blanche-Neige » finalement. Le parcours initiatique que subit l’héroïne pour atteindre la maturité se fonde sur des variantes modernisées des tentatives de neutralisation du conte-source (le chasseur, la nourriture droguée, une torture menant à l’évanouissement), tout en reposant sur un fonctionnement par dédoublement sur lequel seront répartis les différents éléments du conte. Ainsi deux autres jeunes filles sont des doubles de Suzy et vont mourir à sa place, la survie de Suzy indiquant alors sa réussite, tandis que la sorcière en chef est secondée par Miss Tanner et Mme Blanc. Ce film reprend aussi d’autres topoi du conte de fées absents ou moins visibles dans « Blanche-Neige », tels que la temeraria curiositate ou la « descente aux Enfers ». Le cadre de l’école revivifie et fait ressortir ce thème du conflit entre différentes générations de femmes. En outre, ce film, dans la lignée des Grimm, et surtout de Disney dont il reprend principalement le chromatisme, accorde aussi une grande importance aux couleurs (rouge, vert, bleu), qui contribuent en grande partie à l’ambiance fantastique et irréelle du long-métrage. Le rouge est particulièrement présent, que ce soit celui du sang, du vin ou des murs de l’Académie, et il crée ainsi une atmosphère inquiétante. D’une façon plus générale, la dimension visuelle a ici une importance capitale et fait partie intégrante de l’apprentissage de Suzy : pour pouvoir vaincre la reine des sorcières, elle doit déduire de l’image le son et du son l’image, et ne pas se fier aux illusions des apparences sur lesquelles repose le pouvoir des sorcières.